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PATRICIA DE MELO MOREIRA / AFP
Atouts
Les différences neurologiques sont trop souvent stigmatisées et empêchent de percevoir le potentiel de certaines personnes. Derrière cette neurodiversité se cachent de nombreux talents dotés d’une rare intelligence. Les personnes neuro atypiques ont énormément à apporter au sein d’une entreprise.
Caroline Diard
Caroline Diard est professeur associé au département Droit des Affaires et Ressources Humaines à la Toulouse Business School.
Atlantico : Alors que les diagnostics de neurodiversité augmentent chez les salariés, quelles peuvent être les conséquences sur la vie professionnelle ?
Caroline Diard : Les diagnostics augmentent surtout lors du parcours scolaire et universitaire. Nous sommes bien plus informés et sensibilisés qu’avant, à la fois en tant que parents et enseignants. À partir du moment où les individus sont diagnostiqués en amont, les futurs salariés ont déjà conscience de leur différence, ce qui permet de parler de diversité, d’inclusion ou de handicap dans l’entreprise. Selon une étude réalisée au Royaume-Uni, 10 à 15% de personnes seraient concernées dans la population. Cela peut concerner la dyslexie, l’autisme, ou encore le haut potentiel intellectuel. Ce diagnostic permet une meilleure prise en charge et donc une meilleure insertion, ce qui permet par la suite une meilleure intégration.
Il faut savoir qu’en France, les entreprises de plus de 20 salariés ont l’obligation d’embaucher au moins 6% de personnes en situation de handicap. Les personnes qui bénéficient de cette reconnaissance peuvent ensuite être embauchées en tant que telles, et seront donc mieux prises en charge. S’il ne fait jamais plaisir d’entrer dans des quotas, cela peut aussi être un coup de pouce à l’embauche. Certaines choses sont également facilitées, il y a par exemple certains avantages pour la retraite (retraite anticipée).
Il faut savoir que les personnes neuro-divergentes compensent certaines lacunes. J’ai connu un salarié dyslexique qui ne l’avait pas dit. Il a gravi de nombreux échelons mais arrivé à un haut niveau de responsabilité, il était dans l’incapacité de rédiger des notes de synthèse, malgré d’autres qualités indéniables. De nombreux neurologues soulignent le fait que le cerveau est extrêmement complexe et malléable. Si certaines capacités sont altérées, d’autres compétences sont développées par l’individu.
Dans quelle mesure la peur de faire part de ces troubles est-elle problématique ?
Le code du travail (Art 1132-1) interdit la discrimination. Des personnes neuro-divergentes ne doivent donc pas être discriminées, même si cela ne se voit pas toujours. En ce moment, on parle beaucoup d’inclusion mais je pense que le choix de le dire doit rester individuel.
Pour certaines personnes, cela permettrait de conduire à un meilleur environnement de travail. Pourtant, des individus peuvent avoir peur de ne pas être embauchés, de ne pas avoir d’augmentation de salaire … Enfin, les personnes qui ne déclarent pas leurs troubles passent à côté d’un accompagnement qui pourrait faciliter leur travail au quotidien.
La neurodiversité est-elle suffisamment prise en compte en France ? Que serait-il possible de mettre en place pour améliorer la situation ?
C’est pris en compte dans le système de progression car de nombreux outils de détection ont été mis en place. Pourtant, il reste de nombreuses lacunes au sein des entreprises car l’accent est mis sur les discriminations et les handicaps. Or, une personne neuro-divergente n’est pas nécessairement reconnue handicapée. Je pense que le principal point sur lequel il faudrait faire des efforts reste la détection de ces troubles, car cela permettrait de réorienter certaines personnes dans des milieux plus adaptés. Dans le document d’évaluation des risques professionnels, il faudrait insister sur la neurodiversité, même si les diagnostics sont d’avantages posés qu’au cours des dernières années. Enfin, dans un futur proche, il serait possible d’envisager la mise en place de groupes de réflexion pour détecter des employés en difficulté et travailler sur les possibilités de parcours et d’insertion, de manière à faciliter la vie de tout le monde (notamment au sein du CSE).